Chapelle de Neumünster
Gust Graas
POESIA
Vernissage
mercredi 4 décembre à 18.30
Exposition
du 5 décembre 2024 au 26 janvier 2025
Découverte de Majorque en 1980
En 1980, Gust Graas est invité au mariage de Frank Elstner à Majorque. C’est le début de son amour fulgurant pour Majorque. Sa passion naît durant le trajet d'une heure reliant l'aéroport aux rivages enchanteurs du Nord-Est de l'île. Émerveillé, il laisse son regard errer sur les paysages sublimement sculptés par la nature. À chaque virage, il s'attarde sur les petites fincas, ces charmantes bâtisses traditionnelles qui semblent s'épanouir dans l'harmonie de ce décor exceptionnel. La magie opère et il se prend à rêver d’un refuge où se ressourcer.
Dans son cahier de mémoires, il consigne ses impressions avec une minutie presque poétique :
1980, 24-26 juin
En prospection à Palma-Puerto de Pollensa.
Lydie, Marc et moi cherchons à trouver une finca. Miguel, Tony, Frank, tous s’emploient à nous aider et nous visitons terrains et maisons. La gamme est vaste : petits palais et étables à retaper. Nous allons au-devant de soucis, comme si je n‘en avais pas assez.
Au fil de leur exploration, ils découvrent deux petites fincas nichées sur un vaste terrain, à quelques encablures de Pollensa. Il se rappelle de ces premières impressions dans Le coq veille sur Pollença + et Nostalgie majorquine + .
La vue de sa finca y est à couper le souffle : la majestueuse montagne de Tramuntana se dresse fièrement, tandis qu'une nature bavarde se manifeste, prête à révéler ses secrets et à offrir sa sérénité. Et surtout, il y a les Majorquins, ces âmes chaleureuses qui, au fil des rencontres, deviennent des amis fidèles. Des artistes également, qui accueillent Gust dans leur univers créatif, tissant ainsi des liens indéfectibles au cœur de cette terre de lumière et de beauté, comme représenté dans la peinture Palma de Mallorca + .
Poesia 1988 – 1989 : recherche d’identité
En 1988, une métamorphose totale s’impose dans la vie de Gust Graas. Abandonnant son poste de manager des médias en Europe, sur le sommet de sa carrière, il plonge dans un univers inconnu avec des mots qu’il peine à déchiffrer. Ses toiles, titanesques et vibrantes, telles que Nouvelle Vie + et Schlussstrich + , sont le reflet d’une lutte acharnée pour renaître parmi ceux qui l’entourent. D’un homme respecté, craint et aimé, il glisse vers l’anonymat sur une île méditerranéenne, un choc brutal. Ses œuvres deviennent alors des miroirs de ses interrogations sur cette existence nouvelle, une quête sans fin. Il refuse la mélancolie, au contraire, il aspire intensément à la lumière, déterminé à laisser derrière lui les ombres de son passé. Dans Inneres Feuer + (Feu intérieur), une énergie rassemblée est prête à se lancer pour se faire un nom dans l’arène artistique espagnole. Jour et nuit, sa passion s’exprime sur la toile, sculptant son nouveau destin avec une ferveur inébranlable.
Début des années 90 : l’espace intérieur
La recherche d’un nouveau sens à sa vie s’étend sur deux ans, période au terme de laquelle il parvient enfin à trouver la paix intérieure. Ses œuvres picturales incarnent désormais la légèreté de l’existence, un sentiment inédit pour lui, comme une plongée en Méditerranée dans Amphores + . Jusqu’alors, il avait dû fournir d’énormes efforts tout au long de sa vie pour atteindre les sommets tant dans sa carrière professionnelle que dans le domaine artistique.
Aujourd’hui, il savoure la joie de faire une sieste sans se préoccuper des négociations avec les syndicats concernant les conditions de travail, ni des stratégies à adopter pour convaincre le Conseil d’Administration de soutenir l’internationalisation des programmes et d’élargir son audience...
Dans ses créations, il évolue parmi les objets dans un espace totalement vide dans Carré imparfait + . Il se déplace à une vitesse fulgurante, explorant la terre et l’univers. Il est à la fois tout et chacun, n’hésitant pas à revêtir même le rôle d’un porteur d’eau dans Wasserträger + .
Un univers poétique
Maintenant, vers la fin des années 90, ses créations sont marquées par un rituel précis : Gust Graas découpe soigneusement sa toile, la tend sur un châssis, confectionné par le menuisier de Binissalem, l’enduit de colle et y jette des éléments naturels tels que coquillages, sciures de bois ou sable. Des touches de couleurs donnent du rythme. Il laisse guider sa main par son inconscient. Il abandonne les contraintes de sa vie quotidienne pour s'adonner à la pureté de l'inspiration.
Chaque touche de couleur, chaque élément ajouté révèle une harmonie délicate, émergeant parfois de manière inattendue, comme un vase, un animal ou un bateau. Alors son imagination débordante s’anime, peuplant la toile de récits insoupçonnés. Il voit surgir des objets hétéroclites tels qu'un Sparschwein (tirelire) + , Die vergessene Socke (la soquette oubliée) + , un Rêve de zèbre + ou encore un Fort Mémoire + , témoignant de la richesse de son univers personnel. Ces éléments sont surlignés par le pinceau, travail en pleine conscience.
Gust Graas nous invite à envisager le tableau comme un espace vivant où le chaos initial se transforme en ordre harmonieux. Il parvient ainsi à capter des fragments de réalité qui résonnent avec son public.
Le choc des couleurs
L'art est souvent perçu comme une exploration des émotions et des idées, mais pour Gust Graas, il représente également un jeu audacieux entre les teintes et les nuances, propulsé par le choc des couleurs. L'exposition marquante de 2003 au Musée National de Luxembourg ne fut pas seulement une vitrine de son talent ; elle s'inscrivit comme un tournant déterminant dans sa carrière. En tant que premier artiste vivant à bénéficier d'une telle reconnaissance, Gust Graas affronta un défi colossal qui le poussa à plonger encore plus profondément dans l'univers chromatique. Dans son atelier à Pollensa, il préparait une multitude de grands tableaux, qui allaient être transportés direction Luxembourg, place du marché-aux-poissons. Dans la lignée de cette exposition, il créait en 2007 et 2008 les diptyques audacieux tels que Vagues de chaleur + et Entre le jour et la Nuit + . Ils témoignent d'une approche où la couleur devient protagoniste, une entité en soi, libre de transcender les formes traditionnelles. Dans cette abstraction immersive, Gust Graas ne se contente pas de représenter des objets ou des paysages, mais choisit plutôt de provoquer des sensations et des émotions à travers un langage visuel épuré. Chaque tableau devient un champ d'expérimentation, un lieu où les teintes vibrent et se rencontrent pour créer des dialogues inédits, laissant l'imagination du spectateur vagabonder au gré des vagues chromatiques.
Les sculptures
Les débuts sculpturaux de Gust Graas sont intimement liés à ses racines familiales. Sa première œuvre, réalisée en terre glaise, représente la tête de son père, Gust senior, symbole d’une vocation artistique en gestation. Cette première incursion dans la sculpture fut suivie par d'autres portraits modelés dans la même matière, témoignant de son désir de capturer l'essence humaine, comme sa pièce emblématique Dr. Despues + faite avec la terre majorquine.
La cire devient un médium de choix, permettant à Gust Graas de reproduire ses créations en bronze, comme cette belle Nue + .
C'est à Majorque, lors d'une rencontre décisive avec le jeune ferrailleur de Pollensa, que Gust Graas découvre de nouvelles possibilités artistiques, mêlant subtilement le métal à son inspiration. Ensemble, ils façonnent des chefs-d'œuvre au moyen du feu ouvert et de l’enclume, ouvrant ainsi un nouvel horizon à la créativité de Graas. Parmi ses réalisations les plus originales, Le corps se balance + et La croix + illustrent comment il réinvente des pièces métalliques, leur insufflant une nouvelle vie et une dynamique unique. L’idée de créer La Nonne + , quant à elle, germe dans l’esprit de l’artiste lors d’un voyage à Rome dans les années 60. Impressionné par le défilé des membres de l’Église en habits traditionnels, il ressent l’appel de représenter cette figure religieuse. De retour à Luxembourg, il commence à peindre une série de tableaux mettant en scène des religieux, incluant les Nonnes + de 1963. Toutefois, il lui faudra près de trois décennies avant de réaliser sa promesse de matérialiser cette vision sous la forme d’une sculpture à Pollensa.
Les dessins
Les dessins de Gust Graas sont le fruit d'une démarche profondément réfléchie et instinctive. Comme il l’a exprimé lui-même : « Quand je peins, je laboure profondément la terre, mais quand je dessine, d’un geste, j’ensemence. » Cette affirmation révèle la précision et la spontanéité qui caractérisent son approche du dessin, où chaque trait est irréversible sur le papier nu, en contraste avec les possibilités de correction offertes par la toile. Dans son atelier, situé dans la nouvelle aile de son espace créatif, il utilise l’acrylique pour donner vie à ses idées dans Passion incandescente + . Parfois, il choisit de s'immerger encore plus dans son art en déployant de grandes feuilles de papier directement au sol. Cette méthode lui permet d'explorer des dimensions inédites, de laisser libre cours à son imagination, comme dans Energieknäuel (boule d’énergie) + .
Durant cette période, l'influence de Miro se fait particulièrement sentir dans ses œuvres, comme dans Pomme de la discorde + . Car Gust Graas incorpore une certaine minutie dans chacun de ses gestes, révélant l'admiration qu'il porte à ce géant de la peinture. La galerie de peinture à Palma, qui lui a ouvert les portes de cette inspiration, lui a permis d'approfondir sa compréhension de l'art et des techniques qui le sous-tendent. Ainsi, le dialogue entre ses œuvres et celles de Miro témoigne d'une quête perpétuelle d'authenticité et d'innovation avec Jean et sa trottinette + .